J'aurais dû...
J'aurais dû travailler, préparer ma classe ce matin, mais l'appel du dehors fût plus fort. Comme à mon habitude, ma nuit fût courte et entrecoupée. J'ai dû attendre que le soleil se lève.
Et puis, j'ai marché... J'aime le fait de ne pas prévoir, pas prévoir où je vais aller, pas prévoir mon chemin, je marche au gré de la nature, à chaque croisement je décide aléatoirement. J'aurais dû faire vite, mais plus je marchais moins j'avais envie de rentrer.
Le soleil se levait à peine derrière chez moi et peignait le ciel de couleurs pastel :
Il huilait les flaques :
La brume estompait les couleurs :
Je marchais et j'oubliais tout ! C'est fou comme la nature réussi à me vider le cerveau !
Je ne pense qu'à une chose, regarder...
Je regarde et je me sens insignifiante et cela fait du bien de ne plus avoir de responsabilités. Juste profiter du moment et être envahie par la beauté. ce mot est trop plat, trop simple, je ne sais pas exprimer ce que je ressens...
C'est vraiment utile de pouvoir oublier. Certains utilisent les drogues et les addictions pour aller mieux, peut-être que la marche et le regard sont des addictions ?
Je sais qu'au moment où je plongeais mon regard dans la mare, je ne pensais plus du tout à ma convocation en gendarmerie la veille au soir .
Je vous rassure, j'étais convoquée pour être entendue dans le cadre de l'information préoccupante que j'avais lancée pour un de mes élèves l'année dernière au mois de mai.
Oui, vous avez bien lu, "Mai". Alors voilà, il a fallu que je me replonge dans cette histoire. Un petit garçon aimé par sa maman mais, pas comme il le faut. Sa maman ne sait pas faire puisqu'elle-même n'a pas été aimée. Puisque elle-même a vécu en famille d'accueil. La claque est partie, violente, marquante. Le petit arrive en pleurant à l'école. Je le câline alors qu'il empeste ! On élève des chiens et des chats chez lui, dans un appartement. Il m'explique pourquoi sa maman a fait cela, il a touché à la télécommande, il pleure encore. Et moi, je ne peux m'empêcher de verser quelques larmes en voyant sa joue zébrée par les cinq doigts de sa mère.
Hier soir devant le gendarme, je me questionne... Est-ce vraiment normal d'être convoquée 7 mois plus tard ?
Alors, oui, je marche et j'oublie, parce qu'on doit oublier pour continuer à avancer, non ?
Ce matin, la nature m'a gâtée. Les couleurs étaient extraordinaires. Cela m'a permis de rêver, de m'éloigner de cette réalité monstrueuse. Sinon, comment faire ?
Cela scintillait de partout, il avait tellement plu la veille !
Il y avait de la douceur ....
De la rondeur...
De l'élégance ....
J'ai souvent envie de rester en forêt pour toujours. Je m'imagine un autre monde...
Et puis je marche, un pas devant l'autre, c'est mon regard qui me dirige.
Voilà que les fougères s'embrasent :
Plus loin ce seront les points blancs qui attireront mon œil ....
et la plante doudou ...
J'essaie de prendre un peu de la force de ce hêtre double...
Non, décidément, je n'ai pensé à rien en marchant. Et c'est tellement réconfortant de se dire qu'on peut oublier tous les soucis l'espace d'un instant.
Ensuite j'ai vu les fougères cuivrées, leur couleur me remplit l'esprit et je ne pense plus qu'à réussir mes réglages afin d'immortaliser cette nuance si parfaite .
Même le merle mort m'autorise une belle image !
Et ce champignon pas parfait est du plus bel effet en photo :
Je marche toujours. Entre les flaques cette fois. Ces si jolies flaques avec leur eau limpide et les reflets parfaits.
Oh ! C'est étrange ces bulles au bout de ces herbes !
Ici, je marche très vite car la réalité commence à reprendre le dessus, cela fait 3 heures que je marche et je n'ai pas travaillé...
Devant moi au loin j'aperçois deux personnes habillées en rouge, c'est sans doute mon ami marcheur avec sa sœur, je n'arriverai pas à les rattraper surtout que j'aperçois ces fantastiques champignons ! Les trémelles mésentériques.
C'est tout de même incroyable cette couleur, cette texture, la nature est incroyable.