Une forme de vie
Je suis en train de lire " Une forme de vie" de Amélie Nothomb. Ce n'est pas son dernier livre, non, il date de 2010.
À la page 71 :
" Melvin Mapple m'inspirait du respect et de la sympathie, mais se posait avec lui le problème que j'ai avec 100% des êtres, humains ou non : la frontière. On rencontre quelqu'un en personne ou par écrit. La première étape consiste à constater l'existence de l'autre: il peut arriver que ce soit un moment d'émerveillement. A cet instant, on est Robinson et Vendredi sur la plage de l'île, on se contemple, stupéfait, ravi qu'il y ait dans cet univers un autre ausi autre et aussi proche à la fois. On existe d'autant plus fort que l'autre le constate et on éprouve un déferlement d'enthousiasme pour cet individu providentiel qui vous donne la réplique. On attribue à ce dernier un nom fabuleux: ami, amour, camarade, hôte, collègue, selon. C'est l'idylle. L'alternance entre l'identité et l'altérité("C'est tout comme moi! C'est le contraire de moi ! ") plonge dans l'hébétude, le ravissement d'enfant. On est tellement enivré qu'on ne voit pas venir le danger.
Et soudain, l'autre est là, devant la porte. Dessaoulé d'un coup, on ne sait comment lui dire qu'on ne l'y a pas invité. Ce n'est pas qu'on ne l'aime plus, c'est qu'on aime qu'il soit un autre, c'est à dire quelqu'un qui n'est pas soi. Or l'autre se rapproche comme s'il vouait vous assimiler ou s'assimiler à vous.
On sait qu'il va falloir mettre les points sur les i. Il y a diverses manières de procéder, explicites ou implicites. dans tous les cas, c'est un passage épineux. Plus des deux tiers des relations le ratent. S'installent alors l'inimitié, le malentendu, le silence, parfois la haine. Une mauvaise foi préside à ces échecs qui allègue que si l'amitié avait été sincère, le problème ne se serait pas posé. Ce n'est pas vrai. Il est inévitable que cette crise surgisse. Même si on adore l'autre pour de bon, on n'est pas prêt à l'avoir chez soi."
En plus de dix séances chez la psy, je n'ai pas réussi à comprendre pourquoi j'avais mis fin si brutalement à ma dernière relation.
En quelques lignes d'Amélie Nothomb, j'ai compris ! Je n'étais pas prête à l'avoir chez moi et je ne voulais pas être assimilée ! Merci Amélie Nothomb de mettre des mots si simples sur une situation qui m'avait parue si compliquée... Heureusement j'avais réussi à l'époque à mettre les points sur les i même si cela avait été très difficile...
Je me régale une fois de plus de ses mots ! C'est étrange comment on ne s'ennuie jamais en lisant cette auteure, comment elle nous surprend à chaque fois ! Chacun de ses romans est un univers à part entière. C'est un vrai mystère que ce cerveau générateur d'histoires ...